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Page:De La Nature.djvu/398

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leurs défauts, quand nous ne sommes pas chargés de leur conduite, à louer leurs vertus autant qu’elles doivent être louées, etc. Mais depuis que dans le commerce des hommes entre eux, les sentimens moraux ont acquis du mieux, ils ont presque tout perdu du côté du bien réel. L’extérieur de la vertu a détruit la vertu même : de vaines démonstrations de bienveillance, ont pris la place des vrais sentimens de générosité. Les sages s’élevent hautement contre notre politesse, & ils ont raison. Non pas que je prétende qu’elle soit absolument incompatible avec la droiture & les véritables vertus : je soutiens au contraire qu’elle pourroit en être la perfection ; car on ne sauroit avoir trop d’égards les uns pour les autres. Mais elle est un vice & le plus grand de tous les vices, parce qu’on en fait l’équivalent de toutes les vertus.

Comme selon moi, celui-là est le plus vertueux, qui est le plus naturel, le moins faux, le plus ennemi de toute sorte de mensonge ; ce qui s’oppose le plus à la vertu dans la société, c’est cet esprit de fausseté qui a envahi tous les honneurs dus au vrai mérite ; qui substituant un jargon étudié aux sentimens naïfs du cœur, forme parmi les hommes une malheureuse habitude de se tromper les uns les autres par des soins insidieux, des caresses