Page:De Lamennais - Paroles d'un croyant, 1838.djvu/65

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Et celui-ci vivait tranquille, tandis que le premier ne goûtait pas un instant de repos ni de joie intérieurement.

Un jour qu’il travaillait aux champs, triste et abattu à cause de sa crainte, il vit quelques oiseaux entrer dans un buisson, en sortir, et puis bientôt y revenir encore.

Et, s’étant approché, il vit deux nids posés côte à côte, et dans chacun plusieurs petits nouvellement éclos et encore sans plumes.

Et quand il fut retourné à son travail, de temps en temps il levait les yeux, et regardait ces oiseaux qui allaient et venaient portant la nourriture à leurs petits.

Or, voilà qu’au moment où l’une des mères rentrait avec sa becquée, un vautour la saisit, l’enlève, et la pauvre mère, se débattant vainement sous sa serre, jetait des cris perçants.

À cette vue l’homme qui travaillait sentit son âme plus troublée qu’auparavant : car, pensait-il, la mort de la mère, c’est la mort des enfants. Les miens n’ont que moi non plus. Que deviendront-ils si je leur manque ?

Et tout le jour il fut sombre et triste, et la nuit il ne dormit point.

Le lendemain, de retour aux champs, il se dit : Je veux voir les petits de cette pauvre mère : plusieurs sans doute ont déjà péri. Et il s’achemina vers le buisson.