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SOUVENIRS D’UN GARIBALDIEN.

bités, où je ne voyais pas un seul homme jeune (tous ayant été pus par la levée forcée), rabattement craintif des populations, toutes ces choses me mirent au cœur un découragement que le bon vin de Comarin ne pouvait contrebalancer. Pas un voyageur sur la route, pas une voiture ; quelque petit paire poussant son bétail vers les forêts où les paysans cachaient bestiaux, hardes et meubles pour les dérober à la rapacité prussienne.

À chaque détour du chemin je prêtais l’oreille, tout en cherchant à percer le brouillard. Il m’eût été désagréable de tomber comme un étourneau dans un peloton de uhlans, avec la chance d’être tué et de demeurer là à l’état d’engrais pour les champs, sinon d’aller pourrir dans la forteresse de Dantzick.

Au delà d’Echennay, la route s’enfonce dans une forêt sombre et touffue. Comme les paysans bretons qui la nuit, en rentrant chez eux, chantent pour éloigner la Dame Blanche, les farfadets et autres terreurs imaginaires, je me mis a fredonner en accompagnant de la voix le pas cadencé de mon cheval colosse.