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LA TIARE DE SALOMON

(Souliers de mariage de Thomas Morus, Grand Chancelier d’Henri VIII, Roy d’Angleterre ; sandales que portait Léonidas premier, Roy de Sparte, au moment exact où il périt aux Thermopyles ; mules de Léon premier, dit le Grand-Pape, mort en 401, etc., etc.)

Depuis des années, dans toutes les bibliothèques graves, les livres du baron Simono occupaient la place d’honneur. Énormes, débordants d’annotations, ils attiraient tout de suite l’œil par leurs titres :

« Précis complet de l’art du fabricant de cure-dents en os de daim, sous le régime de Ptolémé philopator », « Histoire anecdotique de l’utilisation de l’huile de ricin pour la conservation de la viande d’ânesse chez les Hébreux, depuis la destruction du temple de Jérusalem, jusqu’à nos jours ».

Mais de l’avis de tous, l’œuvre maîtresse du grand savant Simono c’était incontestablement son ouvrage sur « L’influence des caleçons en poils de rat musqué sur l’hygiène des Hébreux, au temps de la persécution d’Antiochus Eupator »  ; et ce dernier travail venait de plonger le monde scientifique dans une émotion considérable.

Ceci dit, reprenons notre personnage que nous avons laissé parcourant à grands pas son cabinet de travail, un parchemin à la main.

La lecture de ce parchemin jauni par les ans, semblait agiter le baron Simono presqu’autant que l’attente du visiteur retardataire répondant au nom de Sigonard.

À haute voix sans interrompre sa marche, le baron Simono le lisait ce papier, avec des yeux hors de la tête, et en coupant cette lecture d’exclamations et de petits cris enthousiastes.

Écoutons-le :

— L’an 4130 de la création du monde, clamait-il, après la destruction du second temple par Titus, soixante-dix mille ou quatre-vingt mille israélites pénétrèrent jusqu’à la côte de Malabar. Le roi Shéram-Hérimal les accueillit et leur donna la ville de Crancanor. Ces israélites avaient apporté une tiare d’une grande valeur historique, dont se servaient les lévites dans le temple, seulement aux jours de grandes fêtes, et tour à tour s’en coiffaient, (s’interrompant) une tiare ! pourquoi cette tiare conservée avec tant de soins ?… cinq mois que je me pose cette question. Cette tiare est-elle réellement comme je le pressens celle dont le grand Salomon aimait à se coiffer, celle qui lui servit pour recevoir en grande pompe sa bien aimée, alliée et amie, la reine de Saba ! Oui, je le sens ! c’est elle ! tout me le crie, jamais on ne l’a retrouvée, et puis si l’on conservait si précieusement cette tiare, si les lévites s’en coiffaient avec tant d’acharnement, c’est qu’à leurs yeux elle avait certainement la plus grande valeur historique.

Fiévreusement le baron reprit sa lecture :

« Cette tiare qui, je crois, remonte à la plus haute antiquité a été retrouvée par Mosée de Salam, qui l’a enfouie, à la suite de graves circonstances sous la septième dalle d’un temple sacré de l’Inde, le temple d’Amber, à Djépour ».

Le baron s’interrompit de lire à nouveau.

— Mosée de Salam, le célèbre rabbin qui visita la côte de Malabar en 1686 ! plus de doutes, cette tiare est celle de Salomon. Il est vrai que Mosé n’affirme rien, mais c’est tout comme… maintenant y est elle toujours sous la septième dalle du temple ? voilà ce qu’il faudrait encore savoir, et je n’en sais rien. C’est très joli d’aller la rechercher mais Djépour n’est pas précisément à deux pas, c’est dans l’Inde, et un pareil voyage à mon âge… voyons ! oui ou non dois-je ?…