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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/164

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Un ânon qui disparaissait sous des hottes pleines de raisins noir et blanc, de cormorans, de betteraves, de choux, de fenouil et d’ail, braillait désespérément « io-io-io ! » Son conducteur frappait à grands coups de trique ses côtes pelées et le stimulait par ses cris gutturaux : « Arri ! arri ! »

Une file d’aveugles appuyés sur de longues cannes chantaient une plaintive Intemerata.

Un dentiste charlatan, sa toque de loutre ornée d’un collier de molaires, serrait entre ses genoux la tête d’un patient et avec des mouvements adroits de prestidigitateur arrachait une dent avec des tenailles.

Les gamins lançaient des toupies dans les jambes des passants. Le plus intrépide de la bande, le moricaud Farfaniccio, apporta une souricière, lâcha la souris et se prit à la pourchasser, un balai à la main, en criant d’une voix stridente et sifflante :

Eccola ! eccola ! La voilà ! la voilà !

En se sauvant, la souris se jeta sous les jupes d’une marchande obèse, la grosse Barbaccia, qui tranquillement tricotait un bas. Elle sauta, cria comme une échaudée, et au rire général souleva sa jupe pour en chasser la souris.

— Attends, je casserai ta tête de singe, vaurien ! criait-elle pourpre de rage.

Farfaniccio de loin lui tirait la langue et trépignait de joie. Au bruit, un homme portant un énorme cochon se retourna. Le cheval du docteur Gabbadeo qui le suivait prit peur, fit un écart, s’emballa et accrocha un tas d’ustensiles de cuisine chez un marchand