Vous avez empoisonné votre duc légitime, vous avez affamé un innocent adolescent. Dieu pour cela vous punit en nous donnant votre terre. » Nous les nourrissons généreusement, et ils donnent les aliments que nous leur offrons à goûter à leurs chevaux, pour voir s’ils ne contiennent pas le poison dont on s’est servi pour le duc.
— Tu mens, Gorgolio !
— Que mes yeux se vident, que ma langue se dessèche ! Écoutez encore, messere, leurs prétentions : « Nous allons, disent-ils, conquérir l’Italie, avec ses mers et ses terres ; puis nous soumettrons le Grand Turc, nous prendrons Constantinople, nous érigerons la Croix sur le mont des Oliviers et ensuite rentrerons chez nous. Et alors, nous vous assignerons au jugement de Dieu. Et si vous ne vous soumettez pas, nous effacerons votre nom de la liste des peuples de la terre.
— C’est terrible, mes amis ! murmura Mascarello. Jamais encore pareille chose ne nous est arrivée.
Tout le monde se tut.
Le fra Timoteo, le même moine qui discutait dans la cathédrale avec fra Cippolo, s’écria solennellement, les bras levés au ciel :
— La parole du grand apôtre de Dieu, Savonarole, s’accomplit : « Le voilà, l’homme qui conquerra l’Italie sans tirer l’épée du fourreau. Ô Florence, ô Rome, ô Milan, le temps des chansons et des fêtes est passé ! Repentez-vous ! repentez-vous ! Le sang du duc Jean Galéas est le sang d’Abel tué par Caïn ! Implorons le pardon du Seigneur ! »