Aujourd’hui Cesare m’a demandé si je savais qu’à Florence Léonard eût été accusé de débauche. Je n’en croyais pas mes oreilles, je pensais que Cesare était ivre. Mais il m’expliqua tout en détails et exactement.
En l’an 1476, Léonard avait alors vingt-quatre ans, et son maître, le célèbre peintre florentin Andrea Verrocchio, quarante. Un rapport anonyme qui les accusait de débauche contre nature fut déposé dans une des caisses rondes, tamburi, que l’on pendait aux colonnes des principales églises florentines, particulièrement à Santa Maria del Fiore. Le 9 avril de la même année, les inspecteurs nocturnes et monastiques – ufficiali di notte e monasteri – examinèrent l’affaire et acquittèrent les accusés, mais à la condition que le rapport se renouvellerait, assoluti cum conditione ut retamburentur, et, après la seconde accusation, le 9 juin, Léonard et Verrocchio furent déclarés innocents. Personne n’en sut davantage. Bientôt après, Léonard abandonna l’atelier de Verrocchio et vint s’installer à Milan.
— Oh ! sûrement, c’est une infâme calomnie ! ajouta Cesare, une étincelle railleuse dans le regard. Bien que tu ne saches pas encore, ami Giovanni, quelles contradictions règnent dans son cœur. Vois-tu, c’est un labyrinthe où le diable lui-même se casserait la patte. D’un côté il semble vierge, et de l’autre, on dirait que…
Je me levai, je pâlis sûrement, car je sentis tout le sang affluer à mon cœur, et je m’écriais :