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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/287

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du martyre du Seigneur – clous, lance, éponge et couronne d’épines – et semblaient tout roses par le reflet des flammes.

Le vent hurlait dans l’âtre. Mais dans le studio élégant tout respirait une douce langueur.

Madonna Lucrezia était assise sur un coussin de velours, aux pieds de Ludovic. Son visage était triste. Le duc la grondait tendrement de ne plus aller voir la duchesse Béatrice.

— Altesse, murmura la jeune fille en baissant les yeux, je vous supplie, ne m’y forcez pas : je ne sais pas mentir…

— Mais, permettez, nous ne mentons pas ? s’étonna Ludovic. Nous dissimulons seulement. Jupiter lui-même ne cachait-il pas ses secrets d’amour à sa jalouse déesse ? Et Thésée, et Phèdre, et Médée – tous les héros, tous les dieux de l’Antiquité ? Pouvons-nous, faibles mortels, résister à la puissance du dieu d’amour ? De plus, le mal caché vaut mieux que le mal visible, car, en dissimulant le péché, nous épargnons la tentation à nos proches, comme l’exige la miséricorde chrétienne. Et s’il n’y a ni tentation ni miséricorde, il n’y a pas de mal – ou presque pas.

Il eut un sourire rusé. Mais Lucrezia secoua la tête et le considéra de ses yeux sévères, graves et naïfs, tels des yeux d’enfant.

— Vous savez, mon seigneur, combien je suis heureuse de votre amour. Mais parfois, je préférerais mourir plutôt que de tromper madonna Béatrice qui m’aime comme sienne…