— Avec l’autorisation de Votre Altesse, j’affirme que les lèvres – armes de la parole – servent de porte à l’âme, et, lorsqu’elles s’unissent en un baiser platonique, les âmes des amoureux se dirigent vers les lèvres, comme à leur sortie naturelle. Voilà pourquoi Platon ne défend pas le baiser ; pourquoi le roi Salomon dans le Cantique des cantiques, lorsqu’il parle de l’union de l’âme humaine avec Dieu, dit : « Baise-moi lèvres à lèvres. »
— Pardon, messer, interrompit un des auditeurs, vieux baron, chevalier provincial au visage honnête et brutal. Je ne comprends peut-être pas toutes ces finesses, mais admettez-vous vraiment qu’un mari, s’il surprenait sa femme dans les bras de son amant, dût tolérer…
— Certainement, répliqua le philosophe de cour, c’est conforme à la sagesse de l’amour spirituel…
— Permettez-moi d’observer, cependant, que dans ce cas le mariage…
— Ah ! mon Dieu ! nous parlons d’amour, comprenez-vous ! d’amour et non de mariage ! s’écria impatientée la jolie madonna Fiordeliza en haussant ses belles épaules nues.
— Mais le mariage, madonna, d’après toutes les lois humaines… continua le chevalier.
— Les lois ! repartit madonna Fiordeliza en fronçant en une moue méprisante ses jolies lèvres rouges. Comment pouvez-vous, messer, dans une causerie aussi élevée, mentionner les lois humaines – piteuses créations des peuples – qui transforment les saints