noms d’amant et de maîtresse en des mots aussi sauvages que « mari » et « femme » !
Le baron resta stupide. Et messer Fregoso, ne lui prêtant plus aucune attention, continua son discours sur les mystères de l’amour spirituel.
La duchesse s’ennuya. Doucement elle s’éloigna et passa dans une autre salle.
Là, un poète célèbre, venu de Rome, Serafino d’Aquila, surnommé l’Unique (Unico), récitait des vers. Petit, maigre, soigné de sa personne, rasé de frais, frisé, parfumé, il avait un visage d’enfant, un sourire langoureux, de vilaines dents et des yeux dans lesquels, à travers les larmes d’enthousiasme, brillait une ruse coquine.
En voyant parmi les dames qui l’entouraient madonna Lucrezia, Béatrice s’émut, pâlit, mais elle se domina aussitôt, s’approcha d’elle avec sa grâce habituelle et l’embrassa.
À ce moment parut, dans l’embrasure de la porte, une dame mûre, fort maquillée, vêtue de couleurs criardes, qui tenait un mouchoir à son nez.
— Eh bien ! madonna Dionigia, vous seriez-vous blessée ? demanda la donzella Hermelina avec une compassion maligne.
Dionigia expliqua que durant les danses, chaleur ou fatigue, elle avait été prise d’un saignement de nez.
— Voilà un cas sur lequel messer Unico lui-même serait embarrassé de composer un quatrain amoureux, déclara un des seigneurs.
Unico sursauta, avança une jambe, passa furtivement