Aller au contenu

Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/416

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lèvres épaisses, tel le fils du vieux Barucco. Alors ? Tu le préfères ?

— Non… je songe seulement combien ils se ressemblent peu ces deux Christ !

— Se ressemblent peu ? dit Cesare étonné. Mais c’est le même visage. Dans la Cène il est plus âgé de quinze ans… Cependant, ajouta-t-il, tu as peut-être raison. Mais même si ce sont deux Christ différents, ils se ressemblent comme deux Sosies…

— Sosies ! répéta Giovanni frissonnant et s’arrêtant. Comment as-tu dit, Cesare, deux Sosies ?

— Mais oui ! Qu’est-ce qui t’effraie ? Ne l’as-tu pas remarqué toi-même ?

— Cesare ! s’écria subitement Beltraffio en un irrésistible élan, comment ne le vois-tu pas ? Est-il possible que Celui que le maître a représenté dans la Cène, le Tout-Puissant qui sait tout, est-il possible qu’il ait pu pleurer sur le mont des Oliviers jusqu’à la sueur de sang et dire notre prière humaine, comme prient les enfants qui espèrent le miracle : « Que ne s’accomplisse pas ce pourquoi je suis venu au monde. Ô mon Père, éloigne de moi cette coupe » ? Mais cette prière contient tout, Cesare ! et sans elle, il n’y a pas de Christ, et je ne l’échangerais contre aucune sagesse. Celui qui n’a pas prié ainsi n’était pas un homme, n’a pas souffert, n’est pas mort – comme nous !

— Ainsi, voilà à quoi tu songes, murmura lentement Cesare. En effet. Oui, je te comprends. Oh ! sûrement le Christ de la Cène ne pouvait prier ainsi