Le lendemain matin ils se rendirent au Vatican, et ayant traversé la grande salle des Prélats, celle où Alexandre VI avait remis la Rose d’or à son fils César, ils pénétrèrent dans les appartements privés : la salle de réception, dite salle du Christ et de la Vierge, puis dans le cabinet de travail du pape. La voûte et l’hémicycle, les rinceaux entre les arcs, étaient décorés de fresques de Pinturicchio, scènes du Nouveau Testament et de la vie des saints.
À côté, sur la même voûte, l’artiste avait représenté les mystères païens. Le fils de Jupiter, Osiris, dieu du soleil, descendait du ciel pour se fiancer avec la déesse de la terre, Isis, et apprendre aux hommes l’agriculture et l’horticulture. Les hommes le tuent ; il ressuscite et, sortant de terre, réapparaît sous la forme du taureau blanc Apis.
C’était une chose étrange de contempler, dans les appartements du pape, ce voisinage de tableaux saints et du taureau des Borgia, cette pénétrante joie de vivre qui réconciliait les deux mystères, le fils de Jéhovah et le fils de Jupiter. À côté de sainte Élisabeth embrassant la Vierge Marie en lui disant : « Le fruit de tes entrailles est béni », un petit page dressait un chien à se tenir debout ; et, dans Les Fiançailles d’Osiris et d’Isis, un gamin chevauchait, nu, un jars sacré. La même joie émanait de tout ; dans tous les décors des salles, entre les guirlandes de fleurs, les anges, les faunes dansants, apparaissait le mystérieux Taureau, le fauve pourpre ; et il semblait que de lui, comme d’un soleil, découlait l’immense joie de vivre.