— Qu’est-ce ? songeait Giovanni. Un sacrilège ou une foi naïve ? N’est-ce pas le même attendrissement saint sur le visage d’Élisabeth et sur celui d’Isis, pleurant devant le corps lapidé d’Osiris ? N’est-ce pas le même pieux enthousiasme sur le visage d’Alexandre VI agenouillé devant le Seigneur ressuscitant, et des sacrificateurs égyptiens recevant le dieu du soleil tué par les hommes et ressuscité sous les traits d’Apis ?
Et ce dieu devant lequel les hommes courbaient la tête, chantaient des louanges, brûlaient l’encens sur les autels, le taureau héraldique des Borgia, le veau d’or transformé, n’était autre que le premier prélat romain, déifié par les poètes :
Cæsare magna fuit, nunc Roma est maxima: Sextus Regnat Alexander,
ille vir, iste deus.
Rome était grande sous César, aujourd’hui elle est la plus grande : Alexandre Six y règne,
le premier était un homme, celui-ci est un dieu.
Et cette insouciante conciliation de Dieu et du Fauve semblait à Giovanni plus terrible que toutes les contradictions.
Examinant les peintures, il écoutait les conversations des seigneurs et des prélats qui attendaient le pape.
— D’où venez-vous, Beltrando ? demandait à l’ambassadeur de Ferrare le cardinal Arborea.
— De la cathédrale, monsignore.
— Eh bien ! comment va Sa Sainteté ? Ne s’est-elle pas fatiguée ?