Vitelli s’avançait sur Città di Castello : Jean Paolo Ballioni sur Perugia ; Urbino se révoltait ; Camerino, Calli, Piombino reprenaient leur indépendance ; le conclave, réuni pour l’élection du nouveau pape, exigeait le départ du duc de Rome. Tout changeait, tout le trahissait.
Ceux qui jadis tremblaient devant lui, maintenant le raillaient, acclamaient sa chute, donnaient des coups de pied d’âne au lion agonisant. Les poètes composaient des épigrammes :
Ou César ou rien ! Peut-être l’un et l’autre ?
César, tu l’as déjà été ; rien, tu le seras bientôt.
Une fois, au Vatican, tout en causant avec l’ambassadeur vénitien Antonio Giustiniani, celui-là même qui, aux jours de gloire du duc, lui prédisait qu’il « brûlerait tel un feu de paille », Léonard amena la conversation sur messer Nicolo Machiavelli.
— Vous a-t-il parlé de son livre sur la science de gouverner ?
— Certes, plus d’une fois. Messer Nicolo veut plaisanter. Jamais il ne publiera cet ouvrage. Est-ce qu’on écrit sur de pareils sujets ? Donner des conseils aux gouvernants, dévoiler devant le peuple les secrets du pouvoir, prouver que tout gouvernement n’est qu’un abus de force caché sous le masque de la justice, mais cela équivaut à apprendre aux foules les ruses du renard, mettre aux agneaux des dents de loup ; que Dieu nous préserve d’une pareille politique !