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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/659

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flaira quelque chose, car il devint encore plus souple, plus fuyant : ses mains tremblèrent, ses yeux se prirent à clignoter.

— Ah ! Seigneur Dieu ! En effet, vous n’êtes de retour à Florence que de ce matin. Figurez-vous quel malheur ! Pauvre messer Giocondo !… Il est veuf pour la troisième fois. Voici bientôt un mois que monna Lisa, de par la volonté de Dieu, a comparu…

Un voile noir glissa devant les yeux de Léonard. Un instant il crut qu’il allait tomber. Le petit homme le dévorait du regard.

Mais l’artiste fit sur lui-même un effort surhumain ; son visage à peine pâli resta impénétrable pour son interlocuteur qui, désillusionné et englué dans la boue, dut s’arrêter à la place Frescobaldi.

La première pensée de Léonard lorsqu’il reprit ses esprits fut que son compagnon l’avait trompé, qu’il avait exprès inventé cette nouvelle pour se rendre compte de l’impression et raconter par toute la ville, ensuite, des détails sensationnels sur la liaison amoureuse de Léonard et de la Gioconda.

La réalité de la mort, comme cela se produit toujours à la première minute, lui paraissait invraisemblable.

Mais le soir même il apprit tout. Revenant de Calabre, où messer Francesco avait très avantageusement traité ses affaires, dans la petite ville de Lagonero, monna Lisa était morte de la fièvre putride, disaient les uns, d’une contagieuse maladie de la gorge, disaient les autres.