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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/703

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— C’est étonnant, murmura-t-il enfin comme sortant d’un rêve. Voilà la plus ravissante femme que j’aie jamais vue ! Qui est-ce ?

— Madonna Lisa, la femme du citoyen florentin Giocondo, répondit Léonard.

— Quand l’as-tu peint ?

— Il y a dix ans.

— Elle est toujours aussi jolie ?

— Elle est morte, Sire.

— Maître Léonard de Vinci, dit le poète Saint-Gelais, a travaillé cinq ans à ce portrait et ne l’a pas achevé – du moins, il l’affirme.

— Pas achevé ? s’étonna le roi. Que faut-il de plus ? Elle est vivante, il ne lui manque que la parole… J’avoue, s’adressa-t-il à l’artiste, que l’on peut t’envier, maître Léonard. Cinq ans avec une pareille femme ! Tu ne peux te plaindre de ta destinée : tu as été heureux, vieillard. Et que faisait donc le mari ? Il vous contemplait ! Si elle n’était pas morte, ma foi, je parie que tu la peindrais encore !

Il rit, plissant les yeux ; la pensée que monna Lisa avait pu rester une épouse fidèle ne pouvait même pas effleurer son cerveau.

— Mon ami, continua François en souriant, tu es grand connaisseur en femmes. Quelles épaules, quelle poitrine ! Et ce qu’on ne voit pas doit être encore plus beau…

Il posait sur la Joconde un regard scrutateur, un de ces regards qui déshabillent et possèdent, comme une impudique caresse.