— Et cela ? demanda le roi en désignant le tableau voisin.
— Un autre Bacchus ? dit Saint-Gelais en hésitant.
— C’est étrange. Il a les cheveux, la poitrine et le visage d’une femme. Il ressemble à la Joconde. Il a le même sourire.
— Peut-être un androgyne ? observa le poète, en expliquant la fable de Platon.
— Aplanis nos doutes, Maître, dit François Ier en s’adressant à Léonard. Est-ce Bacchus ou un androgyne ?
— Ni l’un ni l’autre, Sire, murmura Léonard en rougissant comme un coupable, c’est saint Jean-Baptiste.
— Saint Jean ? Ce n’est pas possible. Que dis-tu !
Mais en regardant attentivement, le roi remarqua, dans le fond de la toile, la fine croix de roseau. Il secoua la tête. Ce mélange de sacré et de profane lui semblait une profanation et lui plaisait en même temps. Il décida de n’y pas attacher d’importance.
— Maître Léonard, je t’achète les deux tableaux. Combien m’en demandes-tu ?
— Votre Majesté, commença timidement l’artiste, ces tableaux ne sont pas terminés. Je songeais…
— Des bêtises, interrompit le roi. Tu peux achever le Saint Jean, j’attendrai. Mais ne touche pas à la Joconde. Tu ne peux faire mieux. Je veux l’avoir de suite chez moi, entends-tu ? Dis-moi ton prix, ne crains rien, je ne marchanderai pas.
Léonard sentait qu’il fallait trouver une excuse,