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vers québec

en jour, il voyait le lierre s’attacher à la croix, l’enrouler plus étroitement de ses tiges flexibles et s’élever vers le ciel. Devant cette image, la naturelle poésie de son âme lui suggérait de profondes réflexions.

Un matin qu’il portait son éternelle tristesse vers le but accoutumé de sa promenade, il vit de loin Fleur des Ondes et Philippe agenouillés sur le tertre, et s’approcha sans bruit. Comme Philippe se relevait, le sauvage lui dit : « Français, tu es meilleur que moi ! Quand j’ai vu ma fille morte de t’avoir aimé, j’ai songé à te tuer ; et je l’aurais fait, sans la promesse que j’ai écrite dans mon cœur, il y a bien des lunes : J’avais été pris par les Iroquois et emmené dans leur pays ; déjà on commençait mon supplice. C’était au bord du grand fleuve. Tout à coup il fit noir dans le ciel : le vent se mit à gémir une chanson que je n’avais jamais entendue ; des montagnes blanches dansèrent sur les eaux et de très loin, partit avec fracas une flèche d’or qui illumina la tête des folles danuseuses : en même temps, l’une d’elles vint s’abattre sur le rivage où elle apportait un homme.

Je n’en avais encore jamais vu de pareil.

Mes bourreaux s’enfuirent, m’abandonnant lié au poteau. Pour la première fois, la terreur fit trembler ma chair : celui qui venait de surgir de l’onde s’approcha de moi, me dit des paroles que je ne compris pas, et coupa mes liens.