Page:De Musset - Nuits, 1911.djvu/64

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Suit déjà l’accent de ta voix,
Et dans un rayon de lumière,
Comme une vision légère,
Passent les ombres d’autrefois.


LE POÈTE.

Jours de travail ! seuls jours où j’ai vécu !
JoursÔ trois fois chère solitude !
Dieu soit loué, j’y suis donc revenu,
JoursÀ ce vieux cabinet d’étude !
Pauvre réduit, murs tant de fois déserts,
JoursFauteuils poudreux, lampe fidèle,
Ô mon palais, mon petit univers,
JoursEt toi, Muse, ô jeune immortelle,
Dieu soit loué, nous allons donc chanter !
JoursOui, je veux vous ouvrir mon âme,
Vous saurez tout, et je vais vous conter
JoursLe mal que peut faire une femme ;
Car c’en est une, ô mes pauvres amis,
Jours(Hélas ! vous le saviez peut-être !)
C’est une femme à qui je fus soumis,
JoursComme le serf l’est à son maître.
Joug détesté ! c’est par là que mon cœur
JoursPerdit sa force et sa jeunesse ; —
Et cependant, auprès de ma maîtresse,
JoursJ’avais entrevu le bonheur.
Près du ruisseau, quand nous marchions ensemble,
JoursLe soir, sur le sable argentin,