Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/168

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ensemble une tarentelle à éveiller les morts.

— Eh bien ! je vous invite ; allez chercher vos castagnettes.

Le tailleur ne s’opposa point au désir de sa fille. Il ferma sa boutique. On mit de l’huile dans la lampe dont on alluma, pour cette fois, les deux mèches. La mère fit ronfler le tambour et sonner les grelots, tandis que le père frappait en cadence avec une clef sur un poêlon. Au bruit de cette musique improvisée, les deux jeunes gens dansèrent avec une ardeur que vous autres, habitants du Nord, vous ne portez pas dans le plaisir, mais que vous retrouvez, dit-on, les jours de bataille. Zullino bondissait à deux pieds de terre, Agata voltigeait comme un oiseau. Tantôt ils se poursuivaient, tantôt ils se rapprochaient, les bras étendus, main contre main, et le pied de l’un reculant quand le pied de l’autre avançait. Les castagnettes marquaient la mesure. Zullino se déhanchait à se rompre l’échine et Agata, la tête en arrière, faisait voler en l’air son tablier. Au bout d’une demi-heure, ils dansaient plus vigoureusement que jamais et les yeux de la toppatelle lançaient des lueurs comme des épées de combat. Les joyeux instruments de musique finirent par tomber des mains de l’orchestre et les danseurs s’aperçurent, alors, de la fatigue. Agata se jeta sur sa chaise et Zullino coucha tout son long sur la table.

— Seigneur, dit la jeune-fille, après avoir donné le bal, il faut vous offrir aussi le souper. Voici d’abord une nappe blanche, un bon morceau de pain, des amandes, une fiasque de vin del Greco et, tout à l’heure je vous servirai une salade que je vais chercher au jardin.