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cœurs de ceux qui ont aimé ou qui aiment encore.

Christine révèle dans cette poésie toute la richesse de son talent et de son art des développements ; elle déploie ses pensées en modulations infinies, et exprime sous les formes les plus variées les effets d’un même sentiment ; vingt fois elle refait chaque pièce sans se répéter, et les ballades se succèdent, traduisant sans cesse la même idée, et cependant ce sont toujours des ballades nouvelles.

Ces impressions sont touchantes de vérité et de simplicité, mais nous ne pouvons y voir, comme l’a supposé M. Paulin Paris[1] l’image des sentiments personnels de l’auteur. Car l’aimable poète a pris soin lui-même de nous prévenir contre toute pensée de ce genre. Ne fallait-il pas d’ailleurs expliquer l’étrange contraste que produisent ces chants d’amour succédant à des cris d’infortune et de douleur ?

La ballade L doit faire disparaître les moindres doutes, Christine y fait allusion à ses scrupules et s’excuse de traiter de sujets d’amours qui paraissent se rapporter à elle, craignant que ce ne soit un motif d’insinuations malveillantes[2] ; elle ajoute que ces pensées n’ont nullement les tendances que l’on pourrait supposer ; car, bien que de grands seigneurs aient

  1. Voy. Manuscrits français de la Bibliothèque du roi, V, p. 152 et 153.
  2. Les différentes pièces des Cent Ballades doivent être considérées essentiellement comme des jeux d’esprit et de sentiment. Il est possible que certaines d’entre elles traduisent les impressions ressenties par quelques personnages de l’époque ou aient été com-