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IX



O dure Mort, tu m’as desheritée,
Et tout osté mon doulz mondain usage ;
Tant m’as grevée et si au bas boutée,[1]
4Que mais prisier puis pou ton seignorage.
Plus ne me pues en riens porter domage,
Fors tant sanz plus de moy laissier trop vivre.
Car je desir de trestout mon corage
8Que mes griefs maulx soyent par toy delivre.

Il a cinq ans que je t’ay regraittée
Souventes fois, a trés pleureux visage,
Depuis le jour que me fu joye ostée,
12Et que je cheus de franchise en servage[2]
Quant tu m’ostas le bel et bon et sage,
Laquelle mort a tel tourment me livre
Que moult souvent souhait, pleine de rage,[3]
16Que mes griefs maulx soyent par toy delivre.

Se trés adonc tu m’eusses emportée,
Trop m’eusses fait certes grant avantage,
Car depuis lors j’ay esté si hurtée[4]
20De grans anuis, et tant reçu d’oultrage,[5]
Et tous les jours reçoy au feur l’emplage,
Que riens ne vueil, ne n’ay desir de suivre,[6]
Fors seulement toy paier tel truage
24Que mes griefs maulx soyent par toy delivre.

Princes, oyés en pitié mon language,

  1. A2 au b. menée
  2. Note Wikisource : voir un erratum en p. 319.
  3. B Que je souhaid s. p. de r.
  4. Note Wikisource : voir un erratum en p. 319.
  5. B de g. meschiefs
  6. B ne v. je n.