Page:De Pitray - Voyages abracadabrants du gros Philéas, 1890.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui se trémoussaient terriblement ; je les ai crus enragés. Polyphème m’a dit que non, que c’étaient des malheureux qu’on appelle crampistes ; ils sont pleins de crampes dans les mollets et alors, il faut qu’ils gigotent ferme pour se soulager un peu ; en voilà une terrible maladie ! Il paraît que ça se gagne ; aussi, quand un des crampistes s’est approché de moi (j’étais allé avec Polyphème dans les coulisses du théâtre) je me suis sauvé en criant comme un perdu : « Gare les crampistes ! » Quand Polyphème m’a rejoint, tous les malades qui causaient avec lui riaient comme des fous, je ne sais pas pourquoi.

Après ça, nous sommes allés au Cirque pour voir le dompteur Batty et ses lions ! Sac à papier, quelles terribles bêtes ! Je vous avoue, Monsieur et cher Vicomte, que je suis déjà dégoûté de cette chasse-là rien que d’avoir vu les lions de Batty. J’ai demandé à Polyphème à quoi ça servait de risquer sa vie à entrer dans une cage à lions.

— À rien, m’a-t-il dit.

— Alors pourquoi le fait-il ?

— Pour amuser le public.

— Eh bien ! moi, je trouve ça bête et mal de risquer sa vie pour la donner en spectacle, au lieu de travailler comme un honnête ouvrier ; c’est stupide. Ça n’amuse pas, d’ailleurs, de voir un chrétien exposé aux bêtes féroces comme du temps des empereurs païens. C’est pas un spectacle catholique et je l’ai dit à Polyphème, qui m’a donné raison d’un air ému et grave qu’il n’a pas souvent.

Pour en revenir au Cirque, la fin a été très gentille. Après ces sales coquins de lions, voilà-t-il pas