Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/207

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nommée est à l’homme, ce que la verdure d’un beau feuillage est à un arbre ? En effet, quoique l’on n’estime pas beaucoup les feuilles d’un arbre, elles servent cependant à l’embellir et à conserver ses fruits, tandis qu’ils sont encore tendres ; de même la réputation n’est pas un bien fort souhaitable par elle-même, mais elle est l’ornement de notre vie, et nous aide beaucoup à conserver nos vertus, et principalement celles qui sont encore tendres et foibles ; car l’obligation de soutenir notre réputation, et d’être tels qu’on nous estime, fait à une âme généreuse une douce violence, qui la détermine bien fortement. Conservons nos vertus, Philothée, parce qu’elles sont agréables à Dieu, qui est le grand et le souverain objet de toutes nos actions : mais comme ceux qui veulent conserver des fruits, ne se contentent pas de les confire, et qu’ils les mettent encore dans des vases propres à cet usage ; ainsi, bien que l’amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, nous pouvons encore faire servir utilement à leur conservation l’amour de notre réputation.

Il ne faut pas pourtant que ce soit avec un certain esprit d’ardeur et d’exactitude pointilleuse ; car ceux qui sont si délicats et si sensibles sur leur honneur, ressemblent à ces hommes qui prennent des médecines pour toutes sortes de petites incommodités, et qui ruinent tout-à-fait