Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/283

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plus austère, il y a moins de propre volonté dans l’autre ; puisqu’on ne renonce pas seulement à son goût, mais encore à son choix. D’ailleurs, ce n’est pas une petite mortification que de tourner son goût à toutes mains, et de le tenir assujetti à toutes sortes de rencontres ; outre que cette manière de le mortifier ne paroît point, n’incommode personne, et convient tout-à-fait aux usages de la vie civile. Repousser un plat pour en prendre un autre, regarder de près et tâter toutes les viandes, ne trouver jamais rien de bien apprêté ni d’assez propre, et beaucoup d’autres façons semblables ; tout cela est d’une âme molle et trop attentive à sa bouche : j’estime plus saint Bernard d’avoir bu de l’huile pour de l’eau ou pour du vin, que si de dessein il avoit bu de l’eau d’absinthe, puisque c’étoit une marque qu’il ne faisoit pas d’attention à ce qu’il buvoit ; et c’est dans cette indifférence sur le boire et sur le manger que consiste la perfection de la parole du Sauveur : mangez ce que l’on vous servira. J’excepte néanmoins les viandes qui nuisent à la santé, ou même aux fonctions de l’esprit, comme à l’égard de plusieurs personnes, les viandes chaudes et épicées, fumeuses et venteuses ; et je n’entends pas non plus parler des occasions où la nature a besoin de quelque soulagement extraordinaire pour se soutenir dans les travaux utiles