Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/343

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l’exiger qu’avec beaucoup d’amour et de suavité. Maris, dit saint Pierre, conduisez vos femmes avec une respectueuse discrétion, les considérant comme des vases fragiles, et vous souvenant qu’elles doivent partager avec vous l’héritage de la grâce et de la vie.

Mais tandis que je vous exhorte les uns et les autres à bien cultiver cet amour mutuel, prenez garde qu’il ne devienne jaloux ; parce qu’on voit souvent, que comme le ver se met dans le fruit le plus exquis, la jalousie se forme aussi de l’amour le plus ardent ; et puis l’ayant dépravé, elle en fait naître insensiblement les défiances, les querelles, les dissensions et les divorces. Il est certain que l’amitié fondée sur l’estime d’une vraie vertu, n’est point susceptible de jalousie ; c’est pourquoi la jalousie est une marque indubitable d’un amour imparfait, grossier, sensuel, et qui a découvert dans le cœur auquel il s’est attaché une vertu foible, inconstante et sujette à donner des soupçons : c’est donc une sotte vanité de l’amitié de vouloir la faire estimer par la jalousie ; car si la jalousie est une marque de la véhémence de l’amitié, elle n’en est pas une de la pureté, ni de la perfection de l’amitié, puisque la perfection de l’amitié présuppose une vertu sûre dans la personne qu’on aime, et que la jalousie en présuppose l’incertitude.