Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/35

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les personnes dévotes trouvent d’abord beaucoup d’amertume dans l’exercice de la mortification ; mais bientôt elles la sentent toute, changée par l’usage, en une charmante suavité.

Les Martyrs au milieu des feux, et sur les roues, ont cru être couchés sur les fleurs, et parfumés des odeurs les plus délicieuses ; et si l’esprit de piété a pu ainsi, par sa douceur, charmer les tourmens les plus cruels, et la mort même ; que ne fait-il pas dans les exercices les plus laborieux de la vertu ? Ne peut-on point dire qu’il leur est ce que le sucre est aux fruits, dont il tempère la crudité lorsqu’ils ne sont pas mûrs, ou dont il corrige ce qui leur reste de malignité naturelle, quoiqu’ils soient en leur maturité ? Il est vrai que la dévotion assaisonne toute chose avec beaucoup d’agrément ; elle adoucit l’amertume des mortifications, et elle corrige la malignité des consolations humaines ; elle soulage le chagrin du pauvre, et elle réprime l’empressement du riche ; elle console un esprit désolé dans l’oppression, et elle humilie l’orgueil de la prospérité et de la faveur ; elle charme l’ennui de la solitude, et elle donne du recueillement à ceux qui sont dans le commerce du monde ; et elle est à nos âmes, tantôt ce que le feu est en hiver, et tantôt ce que la rosée est en été ; elle fait porter l’abondance, et souffrir la pauvreté ; elle rend