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Page:De Saumery - Les délices du Pais de Liége, Tome I, 1738.djvu/104

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Les Délices

noit parmi le Peuple, n’étoient ſeulement pas apellés au Conſeil ; les Patriciens, ou ſi l’on veut, les Deſcendans des Échevins y étoient les ſeuls admis ; deſorte que les Échevins exerçoient un pouvoir abſolu dans toute la Ville.

À la faveur de ce pouvoir uſurpé, ils prenoient le tître de Seigneurs de la Ville à l’excluſion de tout Supérieur. Le Prince même, n’aiant qu’une ombre d’autorité, ne pouvoit ſans avoir obtenu l’agrément, & même ſelon l’hiſtoire, la permiſſion des Échevins, mettre des troupes ſur pié, quelque preſſante que fût la néceſſité de défendre l’État. Ils vouloient bien ſeconder les bonnes intentions du Prince, ils ordonnoient au Peuple de prendre les armes, de ſe ranger ſous leurs Enſeignes ; mais ils ne pouvoient marcher que par leur ordre. Refuſant d’aprendre au Peuple les cauſes de cet apareil de guerre, & le lieu où il devoit porter les armes, ils condamnoient au baniſſement comme téméraires, ceux qui avoient l’innocente curioſité de s’en informer. Les Échevins avoient pour maxime que le Peuple ne devoit non ſeulement avoir aucune part au gouvernement, mais encore que la connoiſſance des affaires lui devoit être refuſée : & qu’enfin toutes ſes vûës & tous ſes ſoins devant ſe borner au commerce & aux Arts mécaniques, il ne devoit qu’être attentif à leur obéir comme à leurs Seigneurs. Ils pouſſoient leur tiranie ſi loin, qu’ils défendoient aux habitans de boire du vin, dont ils ne permettoient l’uſage qu’aux malades ; & ſi quelqu’un, allant en acheter en ſecret, étoit malheureuſement découvert, il étoit condamné ſur le champ à une amende conſidérable, & même au baniſſement.[1]

  1. Comme ce que je viens de raporter des Échevins, paroit preſque incroïable, & que le livre dont j’ai tiré ces faits, n’est pas entre les mains de tout le Monde, je vais tranſcrire les termes de Son Auteur.

    Hâc ergò tempeſtate Leodii penes illos Patricios, aut certè Scabinos, qui è Patriciorum primis deſignari ſolchant, fuit ſumma rerum. Hi publicè ſe Civitatis Dominos appellabant, nemine ſe inferiores profeſſi. Si bellum ingrueret, Cives armatos educere Princeps non ſinebatur, niſi Scabinorum permiſſu, qui expeditionem pro perone imperabant, habebantque delectum, & ſi quis Civis quæſiſſet, quò ducebantur, mulctabatur exilio. Nec enim à Plebeis rerum agendarum quidquam attingi patiebantur, Nullum iis Suffragii jus, Collegium nullum, ſodalitatem nullam, nullumque adèo ſermonem de Rep. permittebant, ſed