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du Pais de Liége

ctionnée, & ſe perfectionne tous les jours à Liége comme en France. Elle n’eſt à la verité, ni ſi chatiée ni ſi correcte à Liége qu’à Paris, parce que les Liégeois n’étant pas à portée de fréquenter les Chaires, le Barreau, les Savans & la Cour de France, ne peuvent ſe former l’accent, ni joindre à leur élocution & à leurs écrits la pureté des termes & des expreſſions, ſur les parfaits modéles de cette langue, qui en ſont les régles vivantes.

Qu’on ne s’imagine pourtant pas que la populace de Liége parle François. Son langage n’eſt qu’un patois Gaulois, tel que le Valon ; mais ſi défiguré, que les François n’en comprénent que peu de mots, encore faut-il qu’ils prêtent une grande atention. Ils y ſont parfaitement bien entendus de ce Peuple ; mais ils ont le déſagrément de ne pas l’entendre. Il faut convenir que certains ouvrages d’eſprit comme Sonnets, Épigrames, Madrigaux, Satires, les bons mots & les ſaillies en ce patois ſont d’une délicateſſe, & d’une énergie qu’il ſeroit dificile de rendre en une autre langue & ſur tout en françois. Tous les beaux eſprits qui entendent ce langage, ne peuvent lui refuſer leur admiration.

Quoiqu’il en ſoit de ce langage peu connu des Étrangers, ils en ſont agréablement dédomagés par la politeſſe & les maniéres careſſantes qu’on a pour eux. Ils les trouvent également dans l’un & l’autre ſexe. S’ils ſont introduits dans les Maiſons, on les y reçoit d’une maniére polie, mais ſans les acabler de complimens. La converſation est à peine commencée qu’on préſente des rafraichiſſemens. Les vins de Bourgogne, de Champagne, du Rhin & de pluſieurs autres Climats y ſont préſentés au choix du goût, ainſi que le thé, le caffé & le chocolat. Le bon cœur & la bonne grace dont on les acompagne, ajoutent beaucoup à leurs qualités.

L’union parfaite qui regne dans toutes les familles, & la douceur mutuelle des ſujets qui la compoſent, ſont charmantes. On s’en aperçoit d’un coup d’œil. Leur ſolicitude pour l’acroiſſement ou la conſervation de leur bien s’y fait aſſés connoître, par les mouvemens que