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Les Délices

s’uniſſant. Elles ſont même ſi maitreſſes de leurs cœurs, qu’elles oublient en s’engageant, les plus aimables objets de leur tendre inclination, pour ne jamais plus faire atention qu’à celui, avec lequel elles s’uniſſent.

Mais croira-t’on que les conditions ſoient égales, & que les maris ſoient auſſi justes & auſſi maîtres de leur cœur ? j’entens aſſurer qu’il s’en faut bien ; mais je répons que c’eſt une calomnie. Car enfin, n’eſt-il pas naturel que ceux qui ont de l’honneur & de la Religion, aient une égale fidélité ? Celle des femmes pour leurs maris eſt ſans doute capable de fixer celle des maris envers leurs femmes : & que ce ſoit uſage ou éducation, les Liégeois entretiennent l’union dans le ménage.

L’agréable propreté & la ſimplicité délicate qu’on remarque dans les meubles & dans les habits, ſont des preuves parlantes de la régularité des mœurs de ce Peuple.[1] Il ſuit pourtant les modes françoiſes, mais il n’en eſt pas idolatre. On y voit des coifures baſſes, des robes abatues & traînantes, des vertugadins ou paniers de toute ſorte & de toute grandeur, & d’autres ajuſtemens à la françoiſe, que les Liégeoiſes ont adoptés, ſans néanmoins proſcrire la loüable coutume où elles ſont de ne paroître que la tête, le viſage, la gorge & la taille couvertes[2] d’un grand

  1. Cela doit s’entendre lorſque les deux ſexes ſont habillés, car le plus ſouvent, ils ne le ſont pas, comme on l’aprendra par la ſuite du texte.
  2. Cette coutume ne vient point des anciennes Liégeoiſes. Elles étoient habillees comme leurs maris, & les habits ordinaires des maris étoient faits preſque de la même maniére que le ſont les caſaques, les hoquetons ou les ſurtouts d’aujourd’hui, à l’exception qu’ils ne ſe fermoient qu’en un ſeul endroit, avec une éguille de Fer, de Cuivre, ou d’autre métal, & au défaut d’éguille de cette ſorte, avec une de bois, ou, une groſſe épine. Tegumen omnibus ſagum, fibulâ, aut ſi deſit, ſpinâ conſertum.

    Les habits des plus riches avoient la même forme que ceux que l’on porte actuellement. Locupletiſſimi veſte diſtinguuntur, non fluitante, ſieut Sarmatæ, ac Parthi, ſed ſtrictê, & ſingulos artus exprimente… nec alius fœminis, quàm viris habitus. D’ou il ſuit que l’habillement des femmes étoit une robe un peu longue, qui marquoit leur taille.

    Toute la diférence qu’il y avoit, entre l’habillement des femmes, & celui des hommes, conſiſtoit en ce que ceux-ci avoient des manches à leurs ſaïes, qu’ils s’en ſervoient pour couvrir leurs bras, & qu’ils avoient toûjours la tête & les pieds découverts. Cætera intecti. Au lieu que les femmes ſe couvroient la tête d’un voile de fin lin qu’elles tictoient de pourpre, & avoient toûjours les bras nuds. Nec alius fœminis, quam virishabi-