Page:De Saumery - Les délices du Pais de Liége, Tome I, 1738.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
du Païs de Liége.

L’on ne doit pas s’atendre à trouver de la douceur & de la politeſſe dans ces ſortes de gens. Ces aimables qualités ſont uniquement renfermées chés la Nobleſſe & la Bourgeoiſie, dont elles ſont l’apanage. Ces gens-là n’ont de douceur que quand ils demandent quelque grace : la meilleure qualité qu’ils aïent, eſt l’induſtrie & l’aſſiduité qu’ils aportent à un travail pénible qui leur produit du pain. Ils n’ont pourtant pas la même induſtrie pour le ménager que pour le gagner. Il eſt des tems que faiſant un dieu de leur ventre, quelques-uns paſſent les jours & les nuits à table ſans crainte d’aucune cenſure, & vuident ſur le champ les querelles qu’ils ont coutume d’y élever ſur la moindre vétille ; ils ſont même induſtrieux à en former. La populace en un mot y eſt groſſìére & inſolente, comme par tout ailleurs. Les femmes de cet état, ſans ſe livrer à la débauche honteuſe à leur ſexe, ne cédent en rien aux Harangéres & aux Poiſſardes de Londres & de Paris : & les Filles ne s’éloignent point du tout du caractére de celles des autres grandes Villes de l’Europe.

Quelque nombreux que paroiſſe le petit Peuple allant & venant dans les ruës, les Egliſes & les places publiques, on n’en voit certainement qu’un échantillon. Les Faubourgs quelques vaſtes qu’ils ſoient, les extrémités de la Ville, certaines ruës même dans le centre, en fourmillent tellement, qu’on pourroit croire que cette multitude eſt groſſie par les habitans des villages voisins. Cependant tout ce Peuple mange du pain, & ne va pas nuds piés, graces au grand commerce, qui ſe fait en toutes ſortes de genres en cette Ville floriſſante. Tout le monde y trouve de l’ocupation ; les deux ſexes y travaillent également, les enfans même y peuvent gagner leur vie, ſans faire aucune violence à la foibleſſe de leur âge.

Ce ne ſont ſeulement pas les habitans de cette Ville qui s’aperçoivent de leur multitude ; pour peu qu’y ſéjournent les étrangers, elle leur devient ſenſible ; & ne pouvant en douter, ils en inférent la vaſte étenduë de Liége, ſon commerce preſque univerſel & diſtingué par