Page:De Saumery - Les délices du Pais de Liége, Tome I, 1738.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
Les Délices

pas voulu autoriſer les feux illégitimes, il reçût l’an six cent quatre-vingt-ſeize ou quatre-vingt dix-ſept la Couronne du Martire, pour la récompenſe, qui étoit ſi légitimement dûë à ſes longs & glorieux travaux.

    tre lui, au ſujet du commerce ſcandaleux d’Alpaïs ; & non pour quelque quérelle perſonnelle & de famille. [Page 64. du Livret] Ipſe profectò titulus Martyris, quem ſtatim à morte, communi omnium conſenſu, B. Antiſtes noſter conjecutus eſt, ſatis oſtendit non ob privatam ſamiliæ ſuæ rixam, ſed ob cauſam quæ ad Religionem pertineret, ſanguinem fudiſſe. Martyrem enim, ut ſæpe inculcat B. Auguſtinus, non facit pœna, ſed cauſa. Ce trait ne détruit pas ce que j’ai dit ci-devant, que le frére d’Alpaïs outré de voir ſa ſœur dechûë de la faveur du Prince, par les conſeils de ſaint Lambert, ſe détermina à le maſſacrer. On trouve dans l’histoire cent meurtres commis par le même motif.

    Il y a un autre article, que l’Auteur ne peut paſſer à l’Évêque de Vence, quelque conſidération qu’il ait pour ſon mérite : cet illuſtre Prélat marque la mort de ſaint Lambert au commencement du huitiéme Siécle au lieu que ſuivant l’ancienne tradition, il mourut ſur la fin du ſeptiéme. Si l’on ſoufroit un pareil anacroniſme, c’en ſeroit fait, & de la tradition, & de l’Histoire, tout ſeroit bouleverſé, & il n’y auroit plus rien de certain. Hæc de tempore & cauſa Martyrii B. Lamberti dicenda mihi viſa ſunt, ut Hiſtorias noſtras, & majorum Traditiones à falſitatis nota vindicarem. Quelque égard, continue l’Auteur zélé, que l’on doive avoir pour M. Godeau, celui qu’exige la vérité, doit être préféré. Magna eſt, fateor, viri illuſtriſſimi, adversùs quem ſcribere me oportuit, auctoritas, ſed major, veritatis.

    La néceſſité de critiquer l’Évêque de Vence ne paroit pas ſi grande, que l’Auteur voudroit le faire penſer. Ce docte Prélat reconnoiſſoit Lambert pour Saint & pour Martir. La cauſe & l’année de ſon Martire étoient des incidens, à proprement parler très-indiférens, & que l’Auteur du Livret n’auroit peut-être pas relevé, ſi M. Godeau avoit été en état de répondre, mais il étoit mort en 1672. & le Livret ne fut imprimé qu’en 1679

    Il ne demeura cependant point ſans réponſe. Un Flamand célébre [Mr. le Baron le Roi natif d’Anvers Seig. Foncié de la Chapelle de ſaint Lambert.] dans la République des Lettres, par un grand nombre d’excellens Ouvrages dont il l’a enrichie, en fit imprimer un en 1693. Topographia Hiſtorica Gallo Brabantiae, fol. Amſtelod. 1693. lib. 7. cap. 2. p. 250. dans lequel il ſoûtient & apuie par des puiſſans raiſonnemens l’opinion de M. Godeau. Je ne ſai ſi quelqu’un en a entrepris la réfutation.

    Comme la queſtion ne roule, que ſur un point de fait, & de Cronologie, le Lecteur pour peu qu’elle l’intéreſſe, peut aiſement recourir aux ſources indiquées, & voir laquelle des deux opinions eſt la plus conforme à la vérité.

    C’eſt au reste par erreur, que preſque tous les Écrivains Liégeois ont avancé comme un fait certain & indubitable, que Pepin avoit inſtitué Charles Martel fils d’Alpaïs ſon héritier, au préjudice de ſon petit fils légitime. Ils n’étoient point au fait de l’Hiſtoire de France, mais ce n’eſt pas ici que je puis en donner la preuve.