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Du Païs de Liége.

Non content de faire confirmer par diférens Empereurs les Droits & les Priviléges que leurs Prédéceſſeurs avoient acordé à l’Egliſe, & aux Evêques de Liége, il en obtint un grand nombre d’autres, & principalement les Droits de Souveraineté ſur pluſieurs parties de l’Etat, ſur leſquelles les Empereurs ſe les étoient juſques là réſervés, ou en avoient fait la conceſſion à des Seigneurs particuliers.

    Un Lecteur tant ſoit peu pointilleux ne manqueroit point de demander, ſi les Manuſcrits alégués par Foullon méritent plus de foi que le Cordelier Placentius ? Il ajouteroit que la Note eſt une fable inventée par les Auteurs de ces Manuſcrits, peut-être poſtérieurs à l’Hiſtoire de ce Cordelier, qui la compoſa dans le ſeizième fiécle.

    Le ſilence d’Anſelme autoriſeroit fortement cette demande. Ce Panégiriſte outré de Notger auroit-il, diroit-on, paſſé ſous ſilence un fait de cette importance, s’il avoit été vrai ? s’il l’a tû, c’eſt parce que l’enfant mourut ſans Bâtême. Quel moment, Notger, qui ne reſpiroit que le ſang & le carnage, auroit-il trouvé pour adminiſtrer le Bâtême à cet enfant infortuné ?

    L’eſprit de vengeance, dont cet Evêque étoit animé, lui permétoit-il de penſer au ſalut d’un enfant, tandis que dans la punition du pere & de la mere, il avoit envelopé une infinité de gens, qui n’avoient eu aucune part à leurs fautes, & qu’il n’épargna pas même les Lieux ſaints ? Seroit-il ſurprenant que, quand même Notger auroit mérité par toutes les autres actions de ſa vie d’être placé dans les fastes de l’Egliſe, on lui eût refuſé cet honneur par raport à cette dernière, capable de ſoüiller toutes les autres, & de lui en faire perdre le prix ?

    L’homme est admirable dans ſes idées & dans ſes jugemens. Il obéït aveuglément à ſes passions, lors même qu’il ſe pique de ne ſuivre que la raiſon : & c’eſt avec fondement que le Poëte a dit de lui.

    Il tourne au moindre vent, il tombe au moindre choc.

    Foullon, parlant dans ſon Hiſtoire de la défaite des Romains par Ambiorix, ne ſauroit trouver des termes aſſés forts, & aſſés énergiques, pour exprimer l’indignation que lui inſpira la perfidie de ce Général des Eburons. La ruſe dont il ſe ſervit pour atirer les Romains dans le piége qu’il leur avoit tendu, paroit à ce Savant la plus inſame action, dont un homme puiſſe être capable. Elle lui fait horreur. On ne peut l’excuſer, ſous quelque prétexte que ce ſoit, elle ne peut même être colorée.

    * Hanc Eburonum victoriam ab aliquibus prædicari & jactari video, quòd pari numero Romanos, ipſo fatente Cæſare, ceciderint ; at me illius pudet, fortiter quidem, ſed inſigni fraude ac perfidiâ partæ. Quæ vitia à priſcis Germanorum noſirorum moribus, bodierniſque Leodienſium, valde abhorrentia, quomodo excuſem non habeo.

    Il convient que Céſar n’avoit eu aucun prétexte pour entrer dans les Gaules, & qu’il devoit plûtôt être regardé, comme un avanturier, que comme un Général d’Armée & comme un Conquérant, mais quand, par ces raiſons, on pourroit, ajoute-t’il, excuſer la perfidie d’Ambiorix, comment feroit-on pour excuſer ſon imprudence, qui lui fit meſurer les forces d’une poignée de gens, avec celles d’un Peuple auſſi nombreux,

    * Lib. i. cap. 6.