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Les Délices.

Cette faute lui coûta la vie, ou ne contribua pas peu à ſa mort ; mais ſes Oficiers, qui avoient le droit de décider, en dernier reſſort, de la vie du Peuple, furent ſoumis à la juriſdiction de ce même Peuple, & faits juſticiables d’un Tribunal Souverain, à l’Erection duquel le Prince avoit conſenti.

Ses Succeſſeurs qui n’avoient eu aucune part à cette faute, en portérent la peine. Les uns ſe virent forcés de répandre le ſang d’une infinité de leurs meilleurs & de leurs plus braves ſujets, malgré toutes les meſures qu’ils


    pereur, étoient eſſentiellement nuls ; Adolfe de la Marck, pour les faire déclarer tels n’avoit qu’à produire un double du Traité.

    Au lieu de prendre cette voie qui étoit toute naturelle, le chagrin que lui cauſa ſa faute, lui en fit prendre une toute opoſée, il eut recours à la ruſe, & enſuite à la violence.

    N’aiant pû engager les dépoſitaires du double de ce Traité à le lui remettre, il le fit enlever par force, & le déchira en leur préſence ; c’est-à-dire, qu’il voulut réparer ſa premiére faute par une autre, qui étoit incomparablement plus grande, & certainement indigne d’une perſonne de ſa qualité. Il ne ſurvêquit pas long-tems à cette ſeconde faute ; il mourut d’une maladie, dans laquelle il étoit tombé, peu après la signature du Traité, & que, ſuivant toutes les aparences, le chagrin de l’avoir ſigné, avoit cauſée ; Hocſem place la lacération du Traité au jour de ſaint Mathias, c’est-à-dire au 24. Fevrier 1344. & la mort du Prélat au 3. Novembre ſuivant.

    V. Fiſen, Foullon & Boüille en la vie de ce Prince.

    Adolfe de la Marck avoit été nommé à l’Évêché de Liége par le Pape Clement V. à la recommandation du Roi de France Philippe-le-Bel.

    Philippe-le-Long, Succeſſeur de ce dernier, lui avoit fait une penſion de 1600. écus d’or ; elle lui fut continuée par Charles IV. ſurnommé le Bel. Hic Rex, (Charles IV.) ficut Prædeceſſor ſuus, huic Epiſcopo singulis dabat annis pro Beneficio, Pariſienſes mille libras, regales aureos valentes mille ſexcentos. Philippe de Valois Succeſſeur de Charles, non ſeulement la lui continua, mais il l’augmenta de moitié. Quibus Rex (Philippe de Valois) receptis litteris, (c’étoit des lettres, par leſquelles Adolfe s’excuſoit de ce qu’il n’avoit pû ſe trouver à la Cour de Philippe, au jour qu’il lui avoit marqué, pour répondre ſur certains faits, qui lui étoient imputés par les Liégeois) & per nuntios informatus, excuſationes admiſit ; & poſtmodum beneſicium, quod duo Reges, prædeceſſores ejus, Epiſcopo dare conſueverant, duplicavit.

    Le Pere Boüille a crû que ces derniers termes ſignifioient que les Rois de France avoient coûtume de faire une penſion aux Évêques de Liége, & les a ainſi traduit ; dont Sa Majeſté fut ſi ſatisfaite, qu’il lui fit doubler la penſion, que les Rois ſes prédeceſſeurs avoient acoutumé de païer aux Évêques de Liége.

    C’eſt par inatention que cet habile Religieux est tombé dans cette legére erreur. L’Hiſtoire juſqu’à Adolfe de la Marck, de laquelle il étoit parfaitement inſtruit, & qu’il a exactement ſuivie, ne lui avoit rien préſenté qui pût lui perſuader, que les Rois de France avoient eu, pour les Prédeceſſeurs d’Adolfe, la même atention qu’ils eurent pour lui.