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Du Païs de Liége.

L’autorité[1] du Prince fut conſidérablement ébréchée : événement ordinaire lors que le Souverain s’oublie juſqu’au point de traiter avec ſes Sujets.[2]

Un ſecond traité fait[3] avec le même Prince, le convainquit de la vérité de cette maxime ; vainement il chercha à réparer le mal ; il n’étoit plus en état d’y apliquer le reméde.[4]

  1. Il en couta aux Liégeois 50000. tournois pour les frais de la guerre.
  2. Le traité, par lequel la guerre fut terminée, apellé vulgairement la Paix de Vibogne, portoit, entr’autres choſes, qu’il ſeroit établi un Tribunal de 24. Perſonnes, pour connoître des excès des Habitans, & des amandes, ſuivant les Statuts ; & que la moitié des amandes apartiendroit à la Ville. Que les 24. Perſonnes ſeroient choiſies par l’Evêque, moitié parmi la Nobleſſe, moitié dans la Bourgeoiſie, mais qu’il ne pourroit choiſir des Echevins.

    Ce n’étoit point, comme l’on voit, le Prince vainqueur, qui faiſoit la loi, il la recevoit de ſes ſujets vaincus. Auſſi l’Hiſtorien remarque qu’Adolfe de la Marck ne conſentit à cette paix honteuſe, que parce qu’il ſe voïoit ſur le point d’être abandonné des Princes, qui lui avoient prêté ſecours, leſquels ennuiés & fatigués de la longueur de la guerre, vouloient retourner dans leurs États. Principes autem attediati, feſtinantes, Epiſcopum quaſi conſtringunt ad pacem.

  3. Ce Traité fut fait & rédigé en 1343. par des Princes & des Seigneurs, qui avoient été choiſis pour arbitres des conteſtations qui s’étoient élevées entre le Prince & ſes ſujets, à l’ocaſion des malverſations des Oficiers du Prince ; il fut porté au Chapitre à Adolfe de la Marck qui le ſigna, & le fit ſigner par les Chanoines qui étoient à ſa dévotion.

    Le principales clauſes de ce Traité, étoient que tous les Oficiers actuels du Prince ſeroient dépoſés, qu’on ſeroit informer contre la conduite qu’ils avoient tenuë pendant qu’ils avoient été en place, & que juſque là ils ne pourroient répéter les ſommes qu’ils avoient données, par forme de prêt pour leurs charges ; qu’on feroit une exacte atention aux plaintes qui ſeroient formées contre eux, & que les coupables ſeroient punis ſuivant la rigueur des Loix.

    Qu’il ſeroit pour cet éfet établi un Tribunal compoſé de 24. perſonnes, dont 4. ſeroient choiſies dans le Chapitre de Liége, 4. dans la Nobleſſe, & les 16. autres parmi les Bourgeois des Villes du Païs.

    Que ce Tribunal connoîtroit de toutes les malverſations que les Oficiers de l’Évêque pourroient commettre dans la ſuite, & ordonner tout ce qu’il jugeroit convenable aux intérêts de l’Egliſe & de l’État.

    Enfin, que les perſonnes qui ſeroient choiſies pour remplir ces 24. places, les ocuperoient pendant leur vie.

  4. Ce prétendu reméde rendoit le Prince simple dépoſitaire, ou plûtôt, simple uſufruitier des droits & des biens de ſon Égliſe. Il ne pouvoit les aliéner, ni conſéquemment les compromettre, puiſque tout compromis eſt une eſpéce d’aliénation, maxime inconteſtable, dont, comme on le verra dans la ſuite, les Liégeois ont bien ſû ſe prévaloir, lorſque l’ocaſion s’eſt préſentée.

    Le Compromis & le Traité ſur des droits temporels de l’Evêché, tenus en fief de l’Empire, faits ſans le conſentement & l’autorité de l’Em-