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du Pais de Liége.

connoître ni le caractére ni les qualités, il ſe révolta contre ſa nomination & contre ſon autorité ;[1] ne pouvant les anéantir, il fit tout ce qui dépendoit de lui pour en ſuſpendre les éfets, & il entreprit pluſieurs fois ſur l’Autorité ſouveraine par l’entremiſe de ſes Oficiers Municipaux.[2]

La fureur ne fut pas moins grande ſous ce regne, qu’elle avoit été ſous celui, dont je viens de parler. Le Prince, pour n’avoir pas voulu recevoir la Loi de ſes Sujets, ſut proſcrit, & le Peuple ſe donna un Souverain. La Ville de Liége prend les armes, & les fait prendre à tout le Païs, pour ſoutenir ſon ouvrage.

Le Prince détrôné implore le ſecours des Princes voiſins ſes Aliés les plus puiſſans de l’Europe, qui entreprennent ſa défenſe. Le Peuple Liégeois oſant leur réſiſter, & meſurer ſes armes avec les leurs, est vaincu ; mais ſa défaite ne ſert qu’à l’afermir dans ſon inſenſée réſolution. La paix lui est en vain propoſée ; il la rejéte, & ne veut y entendre qu’autant qu’il en réglera les conditions.

Tom. I. Part. I.
M
  1. Auſſì-tôt que Louis eut reçu de Rome ſes Bulles acompagnées d’un Bref, par lequel le Pape lui permétoit, malgré ſon jeune âge, de gouverner le ſpirituel & le temporel, il en donna avis aux Liégéois, par des Docteurs de l’Univerſité de Louvain, par leſquels il leur fit ſavoir qu’il iroit inceſſamment prendre poſſeſſion ; & les fit en même tems prier de ne point créer dans l’intervalle, de Protecteur de l’État pour le temporel.

    Les Liégeois aiant examiné dans diférentes Aſſemblées convoquées à ce ſujet, ſi le Pape avoit le pouvoir de diſpoſer du temporel, conclurent enfin pour la négative, & pour l’élection d’un Protecteur.

    Il fut enſuite queſtion de ſavoir, si cette Election apartenoit au Chapitre ou au Peuple ? Chacun de ces Corps ſoutenoit l’afirmative en ſa faveur mais tandis qu’ils étoient les plus échaufés à faire valoir leurs prétentions reſpectives, le Prince fit ſon entrée à Liége, & prit poſſeſſion. Les Liégeois afectérent bonne contenance, mais ils n’en étoient pas pour cela mieux diſpoſés en faveur de Louis de Bourbon ; il ſe formoit déja des factions contre lui.

  2. Les Bourguemeſtres, & le Conſeil de Ville acordérent à quelques Villages toutes les prérogatives, dont joüiſſoit la Ville de Liége. Ils reçurent la foi & l’hommage des Poſſeſſeurs de quelques fiefs, qui relevoient immédiatement du Prince, & en donnérent l’inveſtiture. Ils empêchérent l’exécution de quelques Jugemens des Échevins, rendus en matière criminelle, & par conſéquent, en dernier reſſort, & tirérent des Priſons du Prince des perſonnes condamnées à mort. Ils firent pluſieurs autres actes de cette nature. Certains particuliers atroupés en firent d’autres de pareille eſpéce.