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Les Délices

naires, pour la conſervation & l’augmentation deſquels, il avoit pendant près de trois ſiécles prodigué tant de richesses, & le ſang de tant de braves Citoïens.

Quelques chimeriques que fuſſent ces Tréſors, le Peuple, qui prend preſque toûjours l’aparence pour la réalité, en déplora long-tems la perte, en pourſuivit, & en obtint enfin le rétablissement.[1]

Cette nouvelle grace, qui lui fut acordée pour ſon malheur, le plongea dans le plus afreux précipice.

Un Prince, dont le nom ne lui étoit point agréable, [2] lui fut à peine donné pour Souverain, que, ſans en

    Villes qui en dépendent, que des Foréts de rouës & de gibets, & la Meuſe couverte des corps de ces malheureux, qu’on y jétoit deux à deux.

    L’État fut tranquile le reſte de ſon Regne, qui finit l’an 1418. il remit cette même année l’Évêché de Liége entre les mains du Pape Martin V. qui lui avoit permis d’épouſer Eliſabeth de Luxembourg, veuve d’Antoine de Brabant. Il l’épouſa éfectivement, & alla demeurer dans le Comté de Holande, Fief héréditaire de ſa Maiſon, & dont l’Empereur Sigiſmond, ſon Alié venoit de lui acorder l’Inveſtiture.

    Il ne faut pas oublier que la rigueur, avec laquelle il fit exécuter les conditions de la paix, le fit ſurnommer Jean ſans pitié.

    V. Sufride & Zantfliet, dans le Troiſiéme Tome de Chapeauville, Fiſen, Foullon & Boûille, tous en la vie de Jean de Baviere.

  1. Ils lui furent rendus par Jean Valenrode, Succeſſeur immédiat de Jean de Baviere. »

    Sufride fait en peu de mots un ſuperbe éloge de ce Prélat. Leodium cum decenti comitatu ingeſſus eſt, ibidemque ab initio ſtatim, ad finem uſque vitæ, tum in ſpiritalibus, tum in temporalibus negotiis ita ſe geſſit, ut cum priſcis iſlis Eccleſia Leodienſis fundatoribus Epiſcopis facilè comparari poſſet.

    Malheureuſement pour les Liegeois ſon regne fut très-court. Il ne dura que 10 mois & 24 jours.

    V. Sufride, Fiſen, Foullon, Boüille.

  2. Louis de Bourbon fils de Charles, Duc de Bourbon, ſixiéme Deſcendant du Roi S. Louis, par Robert, Comte de Clermont fils puiſné de S. Roi.

    Le nom de Bourbon étoit en horreur aux Liégeois, parce que c’étoit par les armes de Jean ſans peur, Duc de Bourgogne, Comte de Flandres & d’Artois, qu’ils avoient été défaits ſous Jean de Baviére, Beau-frére de ce Duc, & que les conditions de la Paix avoient été réglées & arrêtées par ce dernier.

    Agnès de Bourgogne, mère de Louis, étoit fille de ce même Duc & Louis étoit conſequemment Neveu de Philippe-le-Bon, fils & ſucceſſeur de Jean ſans peur ; lequel avoit obtenu du S. Pere l’Évêché de Liège, pour Louis de l’éducation duquel il avoit pris ſoin, & qui étudioit pour lors en l’Univerſité de Louvain. Philippe faiſoit ordinairement ſa réſidence en Flandres, & ſa grande puiſſance le rendoit rédoutable à tous ſes voiſins, & ſur tout aux Liégeois, qui s’imaginérent qu’il n’avoit fait nommet ſon neveu à l’Evêché, que dans le deſſein de joindre leur Païs à ſes États, qui étoient déja d’une immenſe étenduë.