Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/100

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aisé ;
Il y monte, il y vole, en sa course subite,
Et puis du haut en bas, le char se precipite.
L’un tire ; l’autre tombe, et veut se relever ;
Plusieurs sont acrochez ; tous veulent se sauver ;
Pas-un d’eux ne le peut, si fort ils s’embarrassent ;
Les essieux sont rompus ; les arbres s’entre-lassent ;
Enfin tout boule-verse, et jamais le soleil,
N’esclaira dans son cours un desordre pareil.
Comme on voit des moutons la troupe espouvantée,
Fuïr du loup qu’elle craint, la dent ensanglantée ;
Et ne connoistre plus, en ce pressant danger,
Ny le secours des chiens, ny la voix du berger :
Telle de ces chevaux est la frayeur timide ;
Ils ne connoissent plus, ni la main, ni la bride ;
Ils ne connoissent plus, ni le foüet, ni la voix ;
Car tout est en desroute, et tout fuit à la fois.
L’invincible Alaric, qui voit ce grand tumulte,
Sans redouter l’enfer, que Rigilde consulte,
Dit aux siens, estonnez d’un accident si prompt,
Ce que ne font les chars, les hommes le feront.
Aussi-tost le premier, il commence l’ouvrage ;
Par son illustre exemple, il donne du courage ;
Et tant que la nuit dure, avec un grand effort,
Il porte et fait porter tout ce bois sur le port.
Luy-mesme à ce labeur preste ses mains royales ;
Elles sont à la fois, fortes et liberales ;
Et s’employant