Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/101

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à tout, comme il n’espargne rien,
Ce grand prince prodigue et sa peine et son bien.
Alors sans perdre temps, dans l’ardeur qui le presse,
De mille charpentiers, il fait agir l’adresse :
Le bois change de forme ; et le bruit, et les coups,
De maillets, de marteaux, de chevilles, de clouds,
De haches, de rabots, de cizeaux, et de scies,
Font bien loin retentir les forests esclaircies ;
Et dans les rochers creux, où reside la nuit,
De cent bruits differens, il se fait un grand bruit.
L’un arrondit les mats ; l’autre forme l’antene ;
L’un à faire un tillac, met son art et sa peine ;
L’autre esleve la hune, au plus haut du vaisseau ;
L’un fait courber la quille, où doit tournoyer l’eau ;
L’autre esleve la poupe, et l’orne avecques pompe ;
Celuy-cy fait la proüe, et cét autre la pompe ;
Et malgré le sorcier, et malgré le demon,
L’un place le fanal, et l’autre le timon.
Par l’adroit calfateur on voit mettre l’estoupe ;
La poix fume, et noircit de la prouë à la poupe ;
Et le spalme jaunastre, et qui resiste aux eaux,
Enduit esgalement le plus bas des vaisseaux.
Alors sur des rouleaux de grandeurs differentes,
Glissent jusques au lac, ces machines errantes,
Tout obstacle cedant à l’art qui les conduit ;
Et l’eau qui les reçoit, boüillonne, escume, et bruit.
A peine ces vaisseaux sont-ils hors du rivage,
Que l’adroit marinier, y met tout le cordage :
L’un