Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/116

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D’un invisible traict blessant leurs deux esprits,
Chacun croit ce qu’il ayme, et sans pair et sans prix :
Et l’amour triomphant sur ce triste rivage,
S’esleve un beau trophée au milieu d’un naufrage.
Mais durant qu’ils parloient, le sort estant jetté,
Ma fille est condamnée à perdre la clarté :
On la cherche ; on la trouve ; on la prend ; on l’emmene ;
Du guerrier desarmé, la resistance est vaine ;
Et dés le lendemain, sur le sanglant autel,
Son sein doit recevoir le triste coup mortel.
Il la suit, mais de loin ; il la voit, mais perduë ;
Et dans son desespoir courant de ruë en ruë,
Il aprend de quelqu’un qu’elle avoit un amant :
Il le cherche, il l’aborde, il luy parle un moment :
Et voicy son discours, si j’ay bonne memoire :
Si vous sçavez aymer, et la belle, et la gloire ;
Si vous avez un cœur digne de la servir ;
Opposez-vous au sort qui vous la veut ravir.
Assemblez vos amis ; mourons pour cette belle :
En empeschant sa mort, monstrez-vous digne d’elle :
Et soyez asseuré qu’au milieu des combats,
Vous aurez un second qui ne recule pas.
L’autre moins genereux, paroist froid et s’estonne :
Rejette le conseil que son rival luy donne :
Dit qu’il est impossible ; et que choquant les cieux,
Il auroit contre luy les hommes et les dieux.
Il luy dit qu’il y va de la santé publique ;
Il luy recite apres l’oracle qu’il explique ;