Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/115

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tourment si long voyant ainsi le bout,
L’agreable santé se restablit par tout.
Depuis des justes dieux la funeste ordonnance,
Recommence entre nous lors que l’an recommence :
Et desja quatre fois l’autel ensanglanté,
Avoit receu les vœux faits pour cette santé ;
Lors qu’un jour qu’on devoit choisir cette victime,
Ma fille en concevant une horreur legitime,
Abandonna la ville, et fut au bord de l’eau,
Qu’elle aperceut couvert des debris d’un vaisseau.
Icy l’on voit des mats, et des planches rompuës ;
Là parmy les cailloux, des voiles estenduës ;
Des coffres renversez ; des armes en un tas ;
Et pesle-mesle morts, mariniers et soldats.
Comme ce triste objet occupe sa pensée,
De dessous les debris de la nef fracassée,
Elle aperçoit sortir ce brave lusitain,
Qui dans ce triste estat paroist encor hautain.
O merveilleux pouvoir de l’amour sur une ame !
Tout degoutant qu’il est, il conçoit de la flâme :
Et son cœur foible alors, autant qu’il estoit fort,
Passe aux mains de l’amour, de celles de la mort.
D’autre part la pitié que sa fortune donne,
S’introduit dans le cœur d’une jeune personne :
Et la compassion ayant touché ce cœur,
Un sentiment plus tendre en est bien-tost vainqueur.
Il parle, elle l’entend ; elle parle, il l’escoute ;
Et le plaisir esgal, que l’un et l’autre gouste,