Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/138

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de partir ; vous craignez cette absence ;
Vous craignez de mes yeux la fureur sans puissance ;
Vous craignez de ces yeux l’inutile courroux ;
Mais si vous les craignez, eh pourquoy partez-vous ?
Je parts, dit-il, je parts, d’autant qu’on me l’ordonne ;
Je parts pour conquester une illustre couronne ;
Je parts pour meriter d’estre veu vostre amant ;
Et parce que mon cœur ne peut faire autrement.
Non, ne desguisez point un crime volontaire,
(Respond elle en pleurant d’amour et de colere)
Vostre cœur sans pitié va causer mon trespas,
Parce qu’il est ingrat ; parce qu’il n’ayme pas.
Ne me redites point ce que je ne puis croire :
Dites, dites plutost, je n’ayme que la gloire ;
Je n’ayme que le sang ; les morts ; la cruauté ;
Et vous n’avez pour moy, ni grace, ni beauté.
Ha, que je vous dirois un mensonge effroyable !
Respond il, obligeante et belle impitoyable :
Je vous diray plutost, vos yeux seuls me sont doux ;
Je vous ayme ardemment ; et je n’ayme que vous.
A ces mots il soupire, et regarde la belle :
Et ce soupir d’amour, poussé qu’il est pour elle,
Trouve un chemin secret qu’il n’osoit esperer ;
Passe jusqu’à son cœur ; et la fait soupirer.
Mais fiere comme elle est, et superbe dans l’ame,
Elle estouffe en naissant cét enfant de sa flâme :
Son orgueil le condamne ; et le privant du jour,
Elle abaisse les yeux, où l’on voit son amour.
Là se