Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et ce chantre divin, en sa voix seule assemble,
Plus de tons et plus d’art, qu’ils n’en ont tous ensemble.
L’aymable tourterelle, et son amant discret,
Soupirent tour à tour ; se pleignent en secret ;
Et d’un ton gemissant, et d’un air solitaire,
Ils font voir que l’amour les fait chanter et taire.
L’arc-en-ciel animé, le pan superbe et beau ;
Celuy qui par des chants celebre son tombeau ;
Celuy qui vers le Phase, a pris l’or de sa plume ;
Et mille autres oyseaux, plus beaux que de coustume,
Sont veus par Alaric, qui dans un tel sejour,
Ne voit rien qui ne donne, et qui n’ait de l’amour.
Les dains et les chevreüils, y bondissent sur l’herbe ;
Les cerfs dans les ruisseaux, mirent leur front superbe ;
Et la biche legere, en mille et mille lieux,
Attire par ses bonds, et leurs pas, et leurs yeux.
Sur ces rochers affreux, plus que ne sont les Sirthes,
L’on voit par l’enchanteur, des rosiers et des mirthes ;
Le palmier tousjours vert, et l’immortel laurier ;
Bois dont est couronné, l’amant ou le guerrier.
Par tout de beaux sentiers, bordez de palissades,
Meslent l’or des citrons, aux rubis des grenades :
Et Zephir amoureux de ces arbres si beaux,
Se plaist à murmurer dans leurs riches rameaux.
Par tout on voit briller le cristal des fontaines,
Qui boüillonne et qui coule, à sources tousjours pleines,
Qui bondit, qui murmure, et qui sur des cailloux,
Gasoüille, et fait un bruit, resveur, charmant, et doux.