Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/150

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Qu’Alaric se resveille au bruit d’une harmonie,
Dont l’extrême douceur à de la tyrannie :
Car elle force l’ame à se plaire en ses sons,
Et ce prince est charmé des charmantes chansons.
De mille et mille oyseaux, la voix incomparable,
Fait retentir les bois d’un concert agreable :
Et leur diversité compose une douceur,
Qui passe dans l’oreille, et de l’oreille au cœur.
L’un fait retentir l’air d’une prompte cadence ;
L’autre en tons languissans interrompt le silence ;
L’un esleve sa voix par des accens aigus ;
L’autre abaisse sa voix, qu’on n’entend presques plus ;
L’un suspend l’harmonie, et puis la precipite,
Passant d’un ton fort grave, à la fughe subite ;
L’autre du ton subit, repasse au grave ton,
En variant le mode, en sa docte chanson.
L’un d’un adroit deffaut embellit la musique,
En s’escartant un peu par un ton chromatique ;
L’autre le redressant, d’un ton juste et charmant,
Tire de cette faute un nouvel ornement.
Quelquesfois le concert se taist ; fait une pose ;
Et semble mediter, le beau chant qu’il compose :
Et puis par mille voix, qui montent jusqu’aux cieux,
Ils remplissent tout l’air de sons melodieux.
Le sçavant rossignol, quelquesfois les fait taire,
Et fait seul un recit, que luy seul peut bien faire :
Il soupire ; il gemit ; il esclatte ; il se pleint ;
Il se coupe ; il se taist ; il s’emporte ; il se feint ;