Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/157

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Pour faire qu’Alaric adore Amalasonthe,
Des dieux et des heros, que l’amour blesse et dompte,
Y sont representez, et l’infernal sçavoir,
Par un si grand exemple a voulu l’esmouvoir.
Dans le premier tableau, dont l’artifice est rare,
La fille d’Agenor de belles fleurs se pare :
Et sa tresse volante, au milieu des couleurs,
Mesle son bel or brun parmy l’esmail des fleurs.
Une gaze d’argent flotte au gré du Zephire,
Couvrant non-chalamment son beau sein qui respire :
Et l’estoffe legere, à travers mille plis,
Monstre d’un si beau corps les membres accomplis.
Son visage est aimable, et la delicatesse
Que met sur un beau taint la premiere jeunesse ;
Et cét air innocent ; et cét air enjoüé ;
Rend cét exquis tableau digne d’estre loüé.
Europe que l’on voit dans ces vertes campagnes,
Semble monstrer du doigt à ses cheres compagnes,
Couché devant ses pieds un superbe taureau,
Aussi doux qu’il est fort, aussi fier qu’il est beau.
Son poil est blanc et noir, et ces taches esgales,
Laissent aux deux couleurs de justes intervales :
L’une releve l’autre, et d’un hazard heureux,
Resulte la beauté du meslange des deux.
Il courbe en se baissant, jusqu’à toucher les herbes,
Le superbe croissant de ses cornes superbes :
Et l’animal trompeur, autant qu’il est humain,
De la belle qu’il voit, leche la belle main.