Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/163

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On voit parmy les flots des navires de guerre :
En ce petit espace, est la mer et la terre :
Dans ce rare tableau tout est bien entendu ;
Tout est mis avec ordre ; et rien n’est confondu.
On voit sur le devant Achile l’indomptable,
Qui parle à Briseis, cette captive aymable,
De qui les fers sont d’or, et qui tient arresté,
L’invincible sujet de sa captivité.
L’ouvrier industrieux, fait voir par son adresse,
Que le maistre est esclave, et l’esclave maistresse :
Il semble qu’il se pleint de quelque cruauté,
Et ce fier n’est plus fier pres de cette beauté.
C’est un lion soumis qui sçait flater son maistre :
Qui n’a plus de fureur dés qu’il le voit paroistre :
Et qui devant l’amour ce vainqueur merveilleux,
Vient soumettre sa force et son front orgueilleux.
Le heros qui le voit, se console et se flate :
Car c’est ce qu’il a fait devant sa belle ingrate :
Et l’exemple d’Achile ayant touché son cœur,
Vers le dernier tableau se tourne ce vainqueur.
Il voit sur un rocher la divine Andromede,
Et le guerrier volant qui s’avance à son ayde ;
Qui fond comme un tonnerre ; et qui d’un bras puissant,
Frape le monstre affreux qu’il atteint en passant.
L’innocente beauté par la crainte abatuë,
N’est presque en cét estat qu’une belle statuë :
On la voit immobile, et le peintre sçavant,
A fait son beau visage, entre mort et vivant.