Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/175

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Et le chant phrygien meslé parmy les sons,
Inspiroit de l’amour par ses tendres chansons.
Bien avant dans la nuit la belle feste dure ;
Cent lampes de cristal parmy son ombre obscure
Jettent à longs rayons une vive clarté,
Par qui semble du jour l’esclat ressuscité.
Mais apres ces concerts si pleins de melodie,
La belle Amalasonthe enfin le congedie :
Et ce prince est conduit dans un apartement,
Que la pourpre de Tyr orne superbement ;
Où l’or brille en cent lieux sur les meubles d’yvoire ;
Faisant de ce palais, le palais de la gloire ;
Où celuy du soleil, tel que nous le voyons,
Tout couvert de splendeur, d’esclat, et de rayons.
Là ce prince amoureux se retrace l’idée
De l’objet dont son ame est tousjours possedée :
S’endort en y songeant ; y songe en son sommeil ;
Et ne revoit que luy, mesme apres son resveil.
Comme on voit un avare avoir dans un voyage,
Des thresors qu’il cherit, l’inseparable image ;
Ne penser qu’à son or, ce metal precieux,
Qu’il a tousjours present, bien que loin de ses yeux.
Ainsi l’unique objet qu’Alaric trouve rare,
L’occupe incessamment, et rien ne l’en separe :
Il le voit sans le voir, et ce fidele amant,
A tousjours dans l’esprit ce fantosme charmant.
Mais pendant qu’il repose, allons voir dans sa flote,
Quel fut l’estonnement de l’endormy pilote,