Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/174

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Et devenu hardy par ce regard charmant,
L’amour ouvrit la bouche à cét illustre amant.
Croiray-je, luy dit-il, que la bonne fortune,
Veüille enfin couronner une vertu commune ?
Croiray-je vos beaux yeux ? Et sans les irriter,
Croiray-je avoir un bien qu’on ne peut meriter ?
Comme il est sans limite, il passe ma croyance ;
Peut-estre fais-je un crime ayant de l’esperance ;
Car les thrônes des roys pres de vous sont si bas,
Que c’est vous abaisser que d’y porter vos pas.
Oüy, vostre illustre main qui n’a point de seconde,
Ne devroit recevoir que le sceptre du monde :
Il est seul digne d’elle, et pour vous aquerir,
Quelque vaste qu’il soit je le veux conquerir.
Là d’un bel incarnat, et d’un sous-ris modeste,
Elle veut, parlant peu, qu’il devine le reste :
Et bien qu’elle ait dessein de luy plaire en ces lieux,
Elle luy respond moins de la voix que des yeux.
Croyez, dit-elle alors, tout ce qui vous peut plaire :
Mon cœur ne parle point une langue plus claire :
Le vostre, s’il luy plaist, peut se l’imaginer,
Mais s’il le veut sçavoir, il doit le deviner.
A ces mots se levant sans oüyr sa replique,
Ils trouvent au palais un festin magnifique :
Où l’ordre et l’abondance, avec la propreté,
Eust surpassé des Grecs la molle volupté.
Cent et cent officiers servoient sur cette table :
L’arrabe y fournissoit un parfum delectable :