Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/188

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leger qui s’esbranle souvent,
Fait voir un sein de neige alors qu’il plaist au vent.
Cent filles, pour le moins, la suivent sans leursvoiles :
Et comme on voit la lune au milieu des estoiles,
Effacer leur esclat par ses vives clartez,
Telle est cette beauté parmy tant de beautez.
Alaric tout charmé de sa grace divine,
S’aproche avec respect de la belle heroïne :
Et l’immortel heros qui n’a point de pareil,
Avec les yeux d’une aigle observe son soleil.
Il paroist amoureux ; elle paroist civile ;
Et lançant dans son ame une flâme subtile ;
Et sçachant mesnager ses dangereux apas,
Elle blesse son cœur comme en n’y songeant pas.
Madame, luy dit-il, en me rendant vos charmes,
Que vous m’espargnerez de soupirs et de larmes !
Car si j’en crois mon cœur, les cieux me sont tesmoins,
Qu’il a souffert sans vous un siecle pour le moins.
Que les momens sont longs hors de vostre presence !
Qu’on trouve de longueur à la plus courte absence !
Que vos yeux esloignez ont encor de pouvoir !
Et qu’il est mal-aisé de vivre sans les voir !
Vostre unique beauté rend la terre plus belle :
Avec elle tout plaist, mais rien ne plaist sans elle :
Et bien que la nature ait orné ces beaux lieux,
Ils doivent leur esclat à l’esclat de vos yeux.
Mesme en donnant la mort ils donnent de la joye ;
Pour estre bien-heureux il suffit qu’on les voye ;