Page:De Scudery - Alaric, ou Rome vaincue, 1654.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et contre la raison l’artifice impuissant,
Ne sçauroit excuser un cœur mesconnoissant.
Par la fatalité nos ames enchaisnées,
Suivent l’ordre absolu qui fait leurs destinées,
Luy respond cét amant, et tous nos changemens,
Ne sont que les effets des premiers mouvemens.
Ce qui doit arriver, absolument arrive :
Lors que le sort m’entraisne il faut que je le suive :
Il est mon souverain, je luy dois obeïr :
Luy seul me fait aymer ; luy seul me fait haïr ;
Il gouverne à son gré mon ame despendante ;
Elle est comme il le veut, infidelle ou constante ;
Je fais ce qu’il ordonne ; et l’on doit aujourd’huy,
Ou n’accuser personne, ou n’accuser que luy.
Ha ! (respond en pleurant cette amante offensée)
De ces fers si pesans nostre ame est dispensée :
Le ciel qui la fit libre authorise son choix :
Elle agit sans contrainte ; elle use de ses droits ;
Et soit qu’elle se porte au bien qu’elle doit suivre ;
Soit qu’elle ayme le mal, et qu’elle y veüille vivre ;
Le crime ou la vertu, le vice ou la bonté,
Quoy que puisse le sort, n’est qu’en la volonté :
Et sans donner au ciel cette force suprême,
Elle fait en tous lieux son destin elle mesme.
Enfin, respond l’ingrat, l’amour qui regne en moy,
Vient je ne sçay comment ; n’est que je ne sçay quoy ;
Aussi bien que sa fin, j’ignore sa naissance ;
L’esprit ne comprend point son occulte puissance ;